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L'adolescent à fleur de peau

L'adolescent à fleur de peau

Pratique universelle et ancestrale, le tatouage s'est peu à peu démarginalisé pour devenir aujourd'hui chose courante puisqu'en France une personne sur dix serait tatouée. Avant de nous pencher, dans une seconde partie, sur la fonction du tatouage à l'adolescence, un petit rappel historique.

1ere partie : Le tatouage, toute une histoire

Les marques corporelles à l'adolescence, histoire et étymologie du tatouage
Dessin d'un chef Maori, 1784

 

 

 

L'origine du mot "tatouage" vient du Tahitien "tatau" qui signifie "frapper". Il dérive de l'expression "Ta-atouas" La racine du mot "Ta" signifie "dessin"et "atua" se traduit par "esprit de dieu". Selon une légende Polynésienne, le tatouage serait d'origine divine.

Le tatouage est un dessin parfois constitué de symboles et/ou délivrant un message.  Il peut aussi être essentiellement décoratif et à visée artistique. Le tatouage est réalisé en injectant de l'encre sous la peau (encre pigmentée de différentes couleurs, voire transparente ne réagissant qu'aux ultraviolets). Il est considéré comme un type de modification corporelle permanente car difficile à effacer même au laser.

La pratique du tatouage peut avoir des significations sociales différentes selon les époques et les cultures. Rites de passage, marque d'appartenance à un groupe, signe d'exclusion sociale ou à l'opposé phénomène de mode...

Tatouer, une pratique ancestrale

Depuis la nuit des temps, le tatouage est pratiqué dans le monde entier et a des significations diverses. Les plus anciennes traces auraient été retrouvées sur la momie Otzï, vieille de plus de 5000 ans. Cet "homme des glaces"  arborait des petits traits parallèles, probablement pour leurs vertus considérées comme thérapeutiques.

En Polynésie, le tatouage participait d'un rite marquant les étapes importantes de la vie et valorisant l'individu. Le marquage commençait à l'adolescence instituant un rite de passage de l'enfance vers l'âge adulte. Il renseignait également sur le rang social puisque plus la personne était importante dans le clan, plus le tatouage était élaboré. Il 

symbolisait l’endurance à la douleur et la bravoure.

Tatouage traditionnel Berbère
Tatouage traditionnel Berbère

Au Japon, le tatouage traditionnel couvre une grande partie du corps voire sa totatlité. Il est nommé "Irézumi" qui signifie"vie de souffrance".  Il était initialement synonyme de punition car appliqué aux hors la loi, signant ainsi leur exclusion sociale. Ces hommes formèrent le clan des Yakusas, gangs de criminels organisés. Ils adoptèrent le tatouage comme preuve de courage, de rébellion et d'appartenance à leur gang.

En Europe, il se propage au  18ème siècle, avec des marins inspirés par les pratiques Polynésiennes. Peu à peu, la pratique s'étend en Occident pour devenir l'attribut des marginaux (prisonniers, "mauvais garçons"). Il était alors un signe de virilité et d'esthétique qui pouvait témoigner de leurs expériences.

Le tatouage  peut donc avoir une valeur de rite initiatique permettant de s'inscrire dans le groupe et d'y marquer sa place.

Depuis les années 2000,  le tatouage s'est démarginalisé pour devenir un phénomène de mode populaire. Selon une enquête Ifop, en 2016, 14 % des Français étaient tatoués.

Selon l'anthropologue David Le Breton,  dans nos sociétés où règne l'anonymat et prime l'image,  "Pour se détacher du fond d’indifférence, il convient donc de se rendre visible. L’originalité des vêtements, de la coiffure, de l’attitude, ou, bien entendu, le recours au tatouage, au piercing, à la scarification, au branding, etc., sont des moyens de sursignifier son corps et d’affirmer sa présence pour soi et pour les autres. Ce sont des signes pour exister aux yeux des autres, ou du moins s’en donner le sentiment."

Les marques corporelles à l'adolescence

Le complexe du homard

marques corporelles à l'adolescence

L'adolescence est une période de changements et de mutation.La métamorphose pubertaire  rend l'adolescent parfois méconnaissable pour ses proches, voire pour lui-même. Pour décrire la crise d'adolescence, Françoise Dolto utilisait la métaphore du "complexe du homard". En grandissant, l'individu se sépare de sa carapace devenu trop étroite.  Avant, de s'en  constituer une nouvelle, il se retrouve vulnérable comme le homard pendant sa mue. L'agressivité, le repli sur soi seraient alors l'expression de cette fragilité transitoire. L'adolescent se cherche, teste les limites en s'y cognant parfois et aspire à se différencier des parents. De plus en plus d'adolescents envisagent de se faire tatouer. Certains s'arrêteront au stade de la réflexion ou seront stoppés par l'autorisation parentale exigée par la loi. D'autres, passeront à l'action.Or, comment comprendre leur engouement pour cette pratique ? Peut-on penser le tatouage comme une expression graphique de la psyché ? A suivre dans un prochain épisode...

Comment comprendre l'engouement pour le tatouage à l'adolescence ?

Lectures pour approfondir le sujet

David Le Breton, Signes d'identité. Tatouages, piercings et autres marques corporelles

 

Pour l'anthropologue et  sociologue David Le Breton, Les modifications corporelles affirment une singularité individuelle dans l’anonymat démocratique de nos sociétés. Elles permettent de se penser unique et valable dans un monde où les repères se perdent et où foisonne l’initiative personnelle.


Ado à fleur de peau, livre de Xavier Pommereau, psychiatre français,  qui explore le langage de la peau des adolescents. Tatouage, percing et scarification sont expliquer afin de faire la part entre ce qui est ordinaire et ce qui doit inquiéter.

 

 Des adolescents, Françoise Dolto disait qu'ils sont comme le homard pendant la mue, sans carapace, confronté à tous les dangers et à la nécessité d'en «suinter» une autre. Pour les aider à accomplir cette métamorphose qui est comme une seconde naissance, Françoise Dolto, sa fille Catherine Dolto-Tolitch et Colette Percheminier ont écrit ce livre.